05 mai 2007

sylvain

crâne ouvert, son visage penché sur la blessure, perceuse à la main, la fille hurle, elle échappe, consciente, la tige fouille, cherche, la fille sur le balcon, nous sommes inanimés, là, les prochains, elle veut sauter, elle dit : je saute, regards en bas, elle hésite, elle pleure et bave
il ouvre la porte, nous entrons, c'est un repas, il nous invite, il nous fait entrer, la fille est à table, cheveux noirs et dos nu, nous savons, je sais, il ne faut pas boire, il va nous droguer, je cherche la perceuse des yeux, ne trouve pas, ma main sur ton dos, il faut partir, je dis, je murmure, il nous tend deux verres, liquide bleu, noyé, il y a des invités, autres, complices, la fille ne sait pas, ses yeux perdus dans un brouillard dont elle ne reviendra pas, ses cris sur le balcon en images subliminales dans mon esprit, laisse ce verre, on part, j'insiste, il nous raccompagne, il, lui
puis voiture, poursuite, la fille n'est pas morte, il l'a… emmenée?
rouge, la tige fouille, le cerveau en bouillie et le visage par-dessus les cris
je me réveille, tu dis : viens, tu essaies de m'enfermer dans tes bras mais je m'échappe, il faut que je quitte le lit : au matin, sylvain, ton père, est mort


laurent herrou
écrivain

02 mai 2007

négatif

viens voir... je te disais, le ciel figurait des couleurs inédites, entre aube et crépuscule, qui faisaient vibrer les astres dans l'air pur, les arbres frissonnaient de peluches fauves, zébrées, feuilles en velours doux et lumineux sur troncs verts, forts, inverses de négatif, tu admirais avec moi, bouche bée, mais le ciel s'assombrissait, une nuit sans lune, sans espoir, et je levais les yeux, le vaisseau traversait l'obscurité, il descendait sur nous, train d'atterrissage en lumières clignotantes, la machine passait par-dessus nos têtes, je te disais : tu vois, tu vois...? mais l'appareil effectuait un virage sur l'aile qui le propulsait vers le lac où il s'abîmait (nous avions regardé "lost" avant de nous coucher, était-ce la raison?), une voiture en émergeait à bord de laquelle le pilote (sans forme, sans visage, anonyme) tentait en vain de quitter la rue qui maintenant, sous nos fenêtres, s'embouteillait, l'appartement donnait sur la rue, nous n'étions pas à l'abri, cette porte de verre ouverte, sans serrure -et dire que nous dormions sans peur-, les klaxons redoublaient, célébrités au volant qui n'abandonnaient pas le combat, il fallait passer en force, la porte de la première voiture s'ouvrait, en sortait un colosse blond, presque nu, qui s'effeuillait comme on pèle, une mue nécessaire, fesses dures sous les derniers pans de matière bleue, il disait quitter le lieu, la rue encombrée, puisqu'il n'y était pas le bienvenu, les klaxons s'interrompaient, une vague de satisfaction gagnait la rue, mais à y réfléchir... marmonnait le colosse, blade runner, réplicant, je pourrais aussi -vous tuer tous... je quittais la fenêtre, il fallait fuir, je te disais : viens, mais tu ne te rendais pas compte de l'urgence, tu hésitais, indécis, tu ne savais pas, moi si, que la mort était là, c'était le moment


laurent herrou
écrivain