02 mai 2007

négatif

viens voir... je te disais, le ciel figurait des couleurs inédites, entre aube et crépuscule, qui faisaient vibrer les astres dans l'air pur, les arbres frissonnaient de peluches fauves, zébrées, feuilles en velours doux et lumineux sur troncs verts, forts, inverses de négatif, tu admirais avec moi, bouche bée, mais le ciel s'assombrissait, une nuit sans lune, sans espoir, et je levais les yeux, le vaisseau traversait l'obscurité, il descendait sur nous, train d'atterrissage en lumières clignotantes, la machine passait par-dessus nos têtes, je te disais : tu vois, tu vois...? mais l'appareil effectuait un virage sur l'aile qui le propulsait vers le lac où il s'abîmait (nous avions regardé "lost" avant de nous coucher, était-ce la raison?), une voiture en émergeait à bord de laquelle le pilote (sans forme, sans visage, anonyme) tentait en vain de quitter la rue qui maintenant, sous nos fenêtres, s'embouteillait, l'appartement donnait sur la rue, nous n'étions pas à l'abri, cette porte de verre ouverte, sans serrure -et dire que nous dormions sans peur-, les klaxons redoublaient, célébrités au volant qui n'abandonnaient pas le combat, il fallait passer en force, la porte de la première voiture s'ouvrait, en sortait un colosse blond, presque nu, qui s'effeuillait comme on pèle, une mue nécessaire, fesses dures sous les derniers pans de matière bleue, il disait quitter le lieu, la rue encombrée, puisqu'il n'y était pas le bienvenu, les klaxons s'interrompaient, une vague de satisfaction gagnait la rue, mais à y réfléchir... marmonnait le colosse, blade runner, réplicant, je pourrais aussi -vous tuer tous... je quittais la fenêtre, il fallait fuir, je te disais : viens, mais tu ne te rendais pas compte de l'urgence, tu hésitais, indécis, tu ne savais pas, moi si, que la mort était là, c'était le moment


laurent herrou
écrivain