22 décembre 2008

les abattoirs

on faisait la queue pour les abattoirs, le long d'un rail de self service, pour une raison étrange bruno voulait doubler les gens, mais personne ne lui cédait sa place, je marchais à côté de lui mais je ne faisais pas partie du lot, il m'expliquait qu'il se demandait à quel moment on perdait conscience, dans la mort, est-ce ce serait à l'abattage, au dépeçage, il avait hâte de m'en parler en ressortant de l'autre côté, il me demandait ce que j'en pensais, avec mes différentes influences religieuses, indiennes, musulmanes, catholiques, il demandait si je croyais en la réincarnation, les abattoirs avaient pour vocation de nourrir les pauvres, c'était un geste de solidarité, on mourait pour les autres mais on était refabriqué ensuite, recomplété, je me posais la question du bruno d'après, serait-il le même, une femme, les yeux cernés, le visage enflé, jaune, se tenait le flanc droit, où on l'avait "prélevée", elle disait que c'était douloureux et que tout le monde n'en revenait pas, bruno de son côté mangeait avec appétit, il souriait, lunettes et barbe constantes, il me parlait avec le même enthousiasme qu'avant mais je ne rencontrais plus jamais ses yeux

laurent herrou
écrivain