08 décembre 2007

Les rêves du 33 tours vaudou

Ma mère conduit une rolls noire au travers de la campagne encaissée de mon enfance. Mon frère et moi sommes à l’arrière. Je dois avoir onze ans, lui huit. La route en lacets se fait de plus en plus abrupte. Pour atteindre la route goudronnée qui suit le bord du canyon, en haut, la voiture doit franchir le genre d’angle que l’on rencontre en escalade. N’importe quelle voiture se serait renversée, mais non, ma mère serre les dents, le moteur vrombit, et l’on réussit à franchir le parapet. La rolls est en fait gouvernée par un disque 33 tours vaudou : sur le disque qui tourne, la voiture est représentée par un jouet miniature… Le disque grandit, grandit, jusqu’à prendre la dimension d’une grande table, au milieu d’une fête techno. Le DJ se sert du monstrueux disque pour mixer. On est en 1998. Je suis à une fenêtre qui me permet de discuter avec une de mes ex, qui elle se trouve en 2005. Je dis au DJ que je peux connaître son avenir musical, et je demande à mon ex de chercher sur Internet. Le résultat est décevant : le live de cette soirée sera son dernier album. La fête devient un plateau de cinéma. Jean-Pierre Jeunet adapte un conte persan. Pour un plan d’ensemble de la salle de banquet du palais du shah, un palais merveilleux, gigantesque, le disque vaudou sert de support à une maquette : il faut imaginer, à l’intérieur d’une verrière digne du Crystal Palace, une tour fichue comme une pièce montée. Les convives festoient sur les étages. Ce sont tous de petites figurines en résine peinte. J’ai été invité sur le plateau pour la phase finale, c’est-à-dire la pause des dernières figurines sur le pourtour, qui représentent une fantasia comme les sultans du Maroc n’en ont jamais vu. Je suis très maladroit et je ne fais que gêner le maquettiste, un vieil homme barbu, en faisant tomber des figurines à chacun de mes mouvements. Mais il reste très gentil avec moi.

Al'
rêveur